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Par Philippe JOURDAN, professeur, CEO Promise / Panel On The Web
La période des soldes d’été va bientôt débuter. L’occasion pour les commerçants d’espérer compenser un début d’année bien morose. Les fabricants de prêt-à-porter de luxe n’échappent pas à la tentation de s’inscrire dans cette démarche. Pour autant, les soldes et le luxe semblent a priori ne pas faire bon ménage. Outre l’atteinte à l’image de la marque qui peut se cacher derrière un recours trop systématique à des prix soldés, plusieurs problématiques propres aux marques de luxe se posent. Nous en retiendrons trois pour faire simple.
En premier lieu, les soldes sont destinées sur une période courte à écouler des produits de fin de saison. Il s’agit de déstocker pour faciliter la mise en place de la nouvelle collection et partant d’inscrire le prêt-à-porter dans un renouvellement constant des tendances. Or l’horizon marketing distingue traditionnellement trois cycles selon leur durée : la tendance qui s’inscrit sur un délai court, parfois éphémère et cherche à créer autour d’une personnalité, d’un événement, une appétence pour une coupe, un design, une allure, une couleur particulière dans l’univers de la mode vestimentaire. La mode qui s’inscrit sur des cycles plus longs et surtout mieux balisés puisque dictés par les rendez-vous incontournables des défilés. Et enfin, au-delà de la tendance et de la mode, le style (si cher à Coco Chanel) qui lui est intemporel, sans cesse revisité, mais par nature indémodable, puisque précisément se situant au-delà des modes. La vraie marque de luxe s’inscrit naturellement dans le style voire la mode, refusant de s’inscrire dans l’éphémère de la tendance. Les soldes devraient en toute logique lui être étrangères. Certes d’aucun diront que le prêt-à-porter de luxe s’inscrit dans un renouvellement des collections et partant des garde-robes….. mais la caractéristique d’une pièce de prêt-à-porter de luxe n’est-elle pas précisément d’être indémodable ? Et partant ne serait-il pas logique de penser qu’un vêtement intemporel, reflet d’un style, ne peut tout simplement pas être vendu en soldes par définition même. Ainsi dans le domaine des sacs, un Kelly ou un Birkin de la marque Hermès ne saurait être soldé… au contraire son prix élevé (et en hausse) est d’autant plus justifié qu’il s’inscrit dans le patrimoine et l’histoire de la marque. Certaines maisons l’ont bien compris qui restent hermétiques aux soldes pour cette raison précisément.
En second lieu, les soldes posent le redoutable problème de la maîtrise des prix sur le marché mondial du luxe. Depuis quelques années déjà, les maisons de luxe cherchent à maîtriser leur prix de vente en proposant le même produit au même prix partout dans le monde. Une vraie difficulté si on prend en compte les différences de taux de change et de droits de douane en particulier qui peuvent justifier des écarts de prix conséquents. De tels écarts de prix sont difficilement justifiables lorsque la clientèle ciblée est formée pour une grande partie d’hommes et de femmes qui se déplacent, voyagent et partant fréquentent les boutiques des mêmes marques dans le monde entier. Force est de reconnaître que la situation est désormais mieux maîtrisée qu’elle ne le fût dans un passé récent lorsque les touristes japonais se précipitaient dans les magasins de maroquinerie de Louis Vuitton en France pour y faire l’achat de sacs en nombre, aussitôt “redistribués” au Japon ! Or les soldes pourraient s’opposer à cet effort d’harmonisation en recréant ce différentiel de prix sur des périodes certes limitées mais devenues des rendez-vous incontournables. Les Américains par exemple proposent dans l’univers du prêt-à-porter des rabais pouvant atteindre 50 ou 60%, là où traditionnellement les soldes privées en Europe pour la collection de l’année passée culminent à -30%. Se forment ainsi de véritables bulles “spéculatives” au sens premier du terme : une attente des soldes dans une partie du monde avec une possibilité de pré réservation “discrète” sur des pièces identifiés lors des défilés par des clientes privilégiées. De tels écarts de prix ne seraient pas bien graves, s’il ne s’agissait là que de flux marginaux. Ce n’est pas toujours le cas et bien des pièces sont ensuite remises en vente sur Ebay, confirmant le caractère spéculatif de la démarche d’achat.
Très bon article qui montre bien que la mondialisation à un impact direct sur l’industrie du luxe ,que le profil de la clientèle doit aussi être pris en compte .